Scout. Cette profession est méconnue du grand public et pourtant de nombreux recruteurs sillonnent le monde à la recherche de nouveaux talents. Beaucoup rêvent d’exercer cette profession sans vraiment connaitre son quotidien. Antonio Salamanca, scout pour Villarreal, passé par Liverpool ou encore Tottenham, a accepté de nous livrer son ressenti sur son métier.
Tout d’abord, comment êtes-vous arrivé à travailler dans le recrutement ?
En discutant avec plusieurs coachs et directeurs sportifs, ceux-ci m’avaient dit à plusieurs reprises lorsqu’on regardait des matchs ensemble que j’avais un bon œil et qu’il serait bon pour moi de songer un jour de mettre cette « vision » au profit d’un club.
Pouvez-vous définir votre rôle de scout ?
Mon rôle se définit plutôt facilement : chercher les futurs cibles potentiels du club sur du court ou du long terme. Je cherche des joueurs susceptibles de renforcer le club soit une équivalence en termes de niveau. J’ai constamment une liste de joueur puisqu’il faut être capable donner des solutions à tout moment à mon président. Les situations contractuelles des joueurs sont évidemment à prendre en compte. Par exemple, si le club n’a pas un besoin urgent à un poste précis mais que la situation contractuelle d’un joueur ciblé est plus propice à un transfert au prochain mercato, le club va préférer l’engager à ce moment là.
On dit souvent que la part de l’instinct chez un recruteur est importante. Qu’en pensez-vous ?
C’est un ensemble de critères, d’éléments, de situations… Mais il est vrai que l’instinct joue un rôle important. On sent souvent les coups.
Pour faire entrer un jeune au centre de formation, sur quels éléments vous vous appuyez ?
Il y a les qualités sportives et extra-sportives. Sportivement, si le joueur est intéressant mais qu’on a déjà un ou plusieurs éléments semblables et de niveaux identiques, on ne le fera pas venir puisque ce serait bloquer la progression d’un d’entre eux. Pour ce qui est de l’école, nous prenons en compte le cursus scolaire ainsi que l’attitude du joueur. Son entourage est également pris en compte.
Comment observez-vous un joueur? Sur quelles durées ?
J’observe un joueur dans toutes les situations envisageables : domicile ou extérieur, ambiance hostile ou tranquille, adversaire costaud ou plutôt faible… Par exemple, si je vais observer un joueur à Marseille ou au Havre (avec tout le respect que j’ai pour Le Havre), le jeu du joueur ne sera peut-être pas le même.
Je n’ai pas de durée précise d’observation. C’est une question de feeling.
Est-ce qu’il vous est arrivé de vous tromper totalement sur un joueur ?
Totalement, totalement non mais oui je me suis déjà trompé et je me tromperai vraisemblablement encore dans l’avenir car il n’y a pas de risque 0. Un joueur de foot est avant tout un homme et il évolue en tant que personne, ce qui peut entrainer un changement sur son rendement.
Selon vous, est-ce qu’il y a une qualité indispensable pour accéder au haut niveau ?
Je pense qu’il en faut plusieurs mais être réceptif c’est vraiment très important.
Une fois que vous souhaitez attirer un joueur, quelle est pour vous la stratégie d’approche la plus adéquate ? (séduction avec la famille, la notion d’argent et de prime à la signature chez les jeunes…)
Il n’y a pas de stratégie spécifique et chaque cas de figure est différent. Chacun utilise ses « armes » afin de parvenir au but. Je ne peux dévoiler certaines de ces facettes…mais l’aspect financier ne doit pas être l’élément qui fait pencher la balance. Il vaut mieux gagner moins, jouer et poursuivre un plan de carrière plutôt que de prendre un gros chèque et rester à regarder les copains du banc ou des tribunes.
Vous avez à votre actif le recrutement de Franck Ribery ou encore Luis Suarez, avez-vous vu instantanément le talent de ces deux ?
Concernant Luis Suarez, notre attaquant de l’époque venait partir de Liverpool. (ndlr : Fernando Torres, parti a Chelsea). Il nous fallait impérativement le remplacer. La cellule de recrutement m’a demandé conseil. J’ai immédiatement approuvé !
Pour Franck, il jouait à l’époque à Boulogne sur Mer qui venait de descendre en CFA. Je ne savais pas de quoi était fait son avenir : continuer à Boulogne, partir ou même arrêter totalement le football. Je l’ai fortement recommandé au club dans lequel je travaillais en tant que directeur sportif, à savoir Ales. Je leur ai dit « il faut avoir ce joueur là ». La première saison en National, on a directement vu qu’il avait quelque chose en plus que les autres, il avait de grandes qualités.
Quelles sont les différences que vous avez pu observer entre la formation anglaise et espagnole ? Les profils recherchés sont les mêmes ?
Non les profils recherchés ne sont pas les mêmes. En Espagne, on verra plus des profils techniques, des petits gabarits qui jouent à merveille dans des espaces réduits.
En Angleterre ça sera un football plus « viril » et plus intense. La technique n’est pas exempte mais elle l’est à un degré moindre qu’en Espagne.
Certains clubs sont réticents à avoir une vraie cellule de recrutement à l’instar des clubs étrangers. Selon vous, pourquoi ?
Parce que dans certains clubs on aime bien être l’homme à tout faire, on aime être président, coach, directeur sportif… Donc en ayant une cellule de recrutement on n’aura plus la main mise sur tout. Chacun doit être à sa place il n’y a que comme cela que ça peut fonctionner. Un président voit très peu de matchs en direct dans l’année. Comment peut-il avoir un avis précis sur un joueur évoluant dans un autre championnat? Seul un recruteur voire directeur sportif peut avoir un jugement correct car eux l’auront vu jouer en direct plusieurs fois.
Ancien agent, pourquoi avoir délaissé ce statut pour vous réorienter dans le recrutement ?
Pour être honnête, j’en avais ras le bol des joueurs qui devenaient ingérables. Spécifiquement les jeunes joueurs. Maintenant, la famille, les amis, les agents viennent se greffer autour…
En France, on a un réel problème d’éducation. Puis, j’ai été sollicité au moment où j’entrais dans cette phase de réflexion. J’ai donc tout stoppé pour me réorienter dans le recrutement. Il s’est avéré que ce domaine là me correspondait mieux, je suis plus dans mon élément. J’en suis très heureux.
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