Alors que la concurrence pour recruter des jeunes footballeurs talentueux est de plus en plus féroce, des clubs français ont été contactés par des clubs européens majeurs pour nouer des partenariats plutôt originaux.
Selon nos informations, des clubs français sont actuellement en pourparlers pour garder en couveuse des jeunes talents français de l’âge de 13 à 16 ans, avant de les promettre à des clubs étrangers.
Le formidable vivier français
Depuis 1995 et la révolution liée à l’arrêt Bosman, la France est devenue une terre d’accueil des observateurs des clubs étrangers désireux de recruter des jeunes mineurs talentueux. Tous les matchs des championnats nationaux U17 et U19, voire de certains championnats régionaux, sont observés par des yeux étrangers.
Lors de chaque période de mutation, des jeunes talents français s’exportent à l’étranger. Les raisons de ces nombreux départs sont liées à la qualité des footballeurs français, de la formation dispensée par les éducateurs français mais également à des réglementations qui paraissent parfois trop permissives.
L’esprit de la règle
Afin d’éviter les dérives, la FIFA encadre les transferts de joueurs à travers le « règlement du statut et du transfert des joueurs » dont les articles 19 et 19 bis sont consacrés à la protection des mineurs.
Alors que l’esprit de ce règlement est de protéger les mineurs, en évitant de les déraciner et de les éloigner de leur famille, de nombreux clubs professionnels, notamment étrangers, ont pris l’habitude de le contourner en utilisant la première des trois exceptions prévues par la FIFA : « si les parents du joueur s’installent dans le pays du nouveau club, pour des raisons étrangères au football. »
Ainsi, il n’est pas rare de voir des familles entières quitter leur pays pour accompagner leur fils. Cette pratique est souvent rendue possible par l’embauche des parents dans des entreprises qui sponsorisent le club professionnel. Lesquels jurent que leur déménagement à proximité du nouveau club de leur enfant n’est en aucun cas lié à un quelconque transfert.
Un recrutement précoce, pas forcément gage de réussite
Depuis quelques mois, nous observons une nouvelle tendance dans le recrutement des joueurs mineurs en Europe. Les clubs professionnels, qui se livrent une guerre sans merci pour recruter des talents toujours plus jeunes, se sont aperçus que cette pratique ne conduisait pas forcément aux résultats escomptés, et pire, pouvait avoir un impact négatif sur la politique sportive du club.
Bien consciente de l’utilisation détournée de son règlement, la FIFA n’a pas hésité à sanctionner très durement des clubs pour violation de l’article 19 consacré aux transferts des mineurs. Ces dernières années, le Real Madrid, le FC Barcelone ou encore l’Atletico Madrid ont été interdits de recrutement pendant plusieurs périodes de transferts. A titre d’exemple, la FIFA a indiqué que le FC Barcelone avait enfreint la règle à 10 reprises en 2009 et 2013.
Au delà de ces sanctions qui nuisent à l’ensemble des clubs, les réussites sportives ne sont pas au rendez-vous. Parmi la flopée de jeunes joueurs très talentueux, déracinés avant même la pré-adolescence, les réussites sont très peu nombreuses. La progression sportive étant étroitement liée à un environnement favorable, le recrutement très précoce de ces footballeurs mineurs, éloignés de leurs racines, amis, coéquipiers et éducateurs engendre un « déchet » très important pour les clubs, et un traumatisme pour ces jeunes adolescents en construction.
Des partenariats originaux pour « bloquer des joueurs »
Les clubs professionnels se retrouvent alors confronter à un dilemme. La recherche de la pépite est de plus en plus féroce, avec la nécessité de repérer des joueurs de plus en plus jeunes, mais la menace des sanctions de la FIFA ainsi que la difficulté de voir émerger des jeunes footballeurs recrutés trop jeunes poussent les clubs à trouver des moyens pour « bloquer » des mineurs tout en les laissant s’épanouir dans un contexte familial et sportif adapté.
Particulièrement inventifs pour essayer de composer, voire contourner les règlements internationaux mais également nationaux, des clubs étrangers cherchent à investir sur des jeunes talents français en concluant des accords sportifs avec des clubs français.
Ainsi, selon nos informations, des clubs anglais, allemands, italiens et autrichiens se sont récemment rapprochés de plusieurs clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 afin de nouer des partenariats qui peuvent apparaître comme originaux et cyniques. L’objectif annoncé est de conclure des accords visant à acter des droits de préemption sur des jeunes talents français.
En clair, il est proposé à certains clubs professionnels français de faire signer des accords de non sollicitation à des jeunes talents locaux dès l’âge de 13 ans, puis un contrat aspirant de 3 ans. Ces jeunes mineurs pourraient donc bénéficier d’une formation dans un club professionnel français avant de s’envoler pour l’étranger à l’âge de 16 ans, comme autorisé par la réglementation de la FIFA.
Si plusieurs clubs français ont repoussé ces avances d’un revers de main, refusant totalement d’entrer dans le jeu des négociations pour des transferts de mineurs, d’autres semblent trouver un intérêt à cette nouvelle pratique.
Il ne faut pas nier que pour certains clubs français, réputés pour la qualité de leur formation, mais dont l’équilibre économique dépend essentiellement de ses ventes, la perspective de conclure de tels partenariats peut-être une opportunité financière : les indemnités de formation prévues par la FIFA pour des futurs transferts, des pourcentages à la revente voire même des financements directs peuvent permettre d’équilibrer un budget.
Au delà de l’aspect financier, le rapprochement avec un club européen majeur peut également avoir un impact sportif sur le club français. Durant les trois ans de formation du jeune footballeur, les clubs étrangers auraient donc un droit de regard sur la formation dispensée dans le club français, avec des échanges techniques et méthodologiques afin de s’assurer de la bonne progression des mineurs repérés.
Si la démarche peut apparaître absolument cynique et au détriment des clubs français, il faut garder en tête que ces mêmes clubs professionnels français opèrent parfois de la même façon avec des clubs amateurs locaux.
Toujours selon nos informations, aucun partenariat formel n’a été contractualisé à l’heure actuelle. Mais plusieurs clubs sont actuellement dans une phase de négociation très avancée. Nul doute que la FIFA, la FFF et la LFP devront garder un œil très attentif sur ces pratiques.
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