L’histoire n’est pas nouvelle. Elle a presque 20 ans et a commencé dès l’arrêt Bosman. Depuis, inlassablement, des jeunes footballeurs de talent quittent l’Hexagone avant même de fouler les pelouses de Ligue 1 et Ligue 2. Parfois avec l’accord de leur club, heureux de pouvoir renflouer leurs caisses, mais le plus souvent en refusant de signer leur premier contrat pro avec leur club formateur.
Cette année, rebelote. Comme les années précédents, plusieurs jeunes français ont refusé de s’engager avec leur club formateur, provoquant l’ire des supporters.
Un supporter aime son club. C’est normal, logique et c’est impossible de lui reprocher. Il l’aime parfois aveuglement, avec déraison.
En dépassionnant le débat, difficile d’avoir une vision binaire. Non, un jeune qui quitte son club formateur avant d’y signer son premier contrat professionnel n’est pas un sombre traître.
Le reproche régulièrement fait aux jeunes footballeurs qui refusent de signer un premier contrat professionnel avec leur club formateur est de ne pas avoir la reconnaissance du ventre. Un jeune nourri, logé et blanchi durant de longues années au centre de formation devrait obligatoirement s’engager avec le club qui l’a accueilli et formé.
Evidemment, avec une vision idéaliste et dans un monde idyllique, un jeune footballeur pourrait intégrer un centre de pré-formation à 13 ans, gravir tous les échelons des équipes de jeunes, signer son premier contrat professionnel, devenir un cadre de l’équipe première et y terminer sa carrière. Pourquoi pas devenir ensuite entraîneur ou dirigeant de son club de cœur ?
Oui, mais le monde du football est cynique. Il n’est pas un modèle de vertu, et il sera difficile à purifier.
S’il est évident qu’un footballeur est redevable moralement envers son club formateur, il n’est toutefois ni indécent, ni farfelu qu’il puisse faire le choix de s’engager avec un autre club. Tout d’abord car ce n’est pas illégal, mais également car les différents mécanismes de solidarité permettront au club d’être dédommagé par le paiement d’indemnités de formation. Certes, les montants pourront apparaître inférieurs à la valeur marchande du joueur, mais l’investissement financier consenti par le club formateur tout au long de la formation du joueur sera compensé. Le reste n’est que spéculation sur la valeur marchande à venir du footballeur. Et il n’en est pas responsable.
De nombreux jeunes qui signent un premier contrat professionnel avec leur club formateur malgré des propositions d’autres clubs se retrouvent parfois dans une impasse, sans aucune perspective sportive.
Le fameux projet sportif contre l’appât du gain
Pourquoi un jeune qui signe un accord de non sollicitation à l’âge de 13 ans avec un club professionnel ferait subitement le choix de quitter ce club à l’âge de 16 ou 18 ans ? Est-ce que le projet sportif qui lui a été vendu quand il avait 13 ans est toujours le même ?
Le premier réflexe est bien sûr d’imaginer que son futur club est un adepte du pillage de jeunes pousses en herbe. Un prédateur sans foi ni loi qui utiliserait la largesse de son porte monnaie pour fondre de façon illégale et amorale sur sa proie. Il est tellement plus simple de penser que la fuite d’un talent s’explique uniquement par sa soif d’amasser des billets. Un jeune homme à peine pubère subirait aussi l’influence néfaste de son fameux « entourage », prêt à tout pour se faire de l’argent sur son dos.
Pourtant, si ce raisonnement vaut pour quelques cas, il est loin d’être une règle. Même en partant du principe qu’un footballeur est cupide et influençable, il est tout à fait réducteur d’imaginer que le choix de son nouveau club repose uniquement sur un aspect financier.
En général, le choix de s’exiler, parfois loin de son environnement familial, de son cercle d’amis et de ses habitudes, n’est pas anodin. Il n’est pas facile non plus et il est souvent mûrement réfléchi.
Quel est le club français le plus pillé ? Le PSG. Pourtant les moyens financiers du club parisien sont colossaux et les salaires proposés sont souvent bien supérieurs aux propositions des clubs étrangers.
Plutôt que pousser des cris horrifiés à l’idée d’envisager le départ d’un jeune joueur sous d’autres cieux, présentés comme plus rémunérateurs, il faut également s’interroger sur la politique sportive offerte par le club formateur. Le fameux projet sportif et les perspectives offertes aux signataires d’un contrat pro les années précédentes impactent forcément le choix de s’engager ou non avec son club formateur. Pour revenir à l’exemple du Paris Saint-Germain, de nombreux jeunes qui ont fait le choix de démarrer leur carrière professionnelle dans le club de la Capitale se retrouvent aujourd’hui dans une impasse et végètent au sein de la réserve, ou enchaînent les prêts sans perspective. Un contrat pro ne signifie pas forcément le début d’une carrière pro. Pour certains, il s’agit même d’un enterrement en première classe.
Il est évidemment impossible de nier l’importance de l’attrait financier, mais circonscrire une volonté de départ à ce seul paramètre est absolument simpliste.
Et nous, que ferions nous ?
Reprocher à un jeune footballeur de refuser de signer pro avec son club formateur peut fatalement renvoyer à sa propre expérience.
Tout d’abord, qui sommes nous pour juger le choix d’un footballeur ? Sur quels fondements reposent ce jugement ? Des articles dans la presse et des on-dit. Les choix sont souvent peu ou pas expliqués.
Même si les sommes en jeu ne sont pas les mêmes, est-ce qu’un jeune footballeur n’est pas simplement un salarié sur le marché du travail ?
Un journaliste sportif par exemple, n’hésitera pas changer de crèmerie si son nouvel employeur lui promet une exposition plus grande ou un salaire plus important.
Un jeune footballeur qui fait le choix de quitter son club formateur à sans doute des torts, mais imaginer qu’il est coupable et responsable de tout permet surtout à des clubs de se dédouaner de ce qu’ils n’ont peut être pas su faire pour garder leurs meilleurs éléments !
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